Le genre dans les politiques de coopération
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Atelier du jeudi 23 août organisé par la commission féminisme

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Intervenantes : Marie-Dominique de Suremain (commission genre d’ENDA Europe), Claudy Vouhé (Genre en Action)

Animation : Véronique Moreira, Vice-Présidente Rhône Alpes à la coopération solidaire

 

 

Introduction (Véronique Moreira)

 

Les politiques précédentes de coopération à la région Rhône-Alpes n’avaient pas de cadre, ni de vision politique. J’ai eu la volonté de donner un cadre politique à la coopération en faisant voter délibération. La coopération décentralisée s’articulera dans les priorités internationales : Objectifs du Millénaires pour le Développement ; appui au processus démocratique ; politique d’égalité de genre ; développer l’éducation à la citoyenneté en Rhône Alpes.

 

 

 

Marie-Dominique de Suremain

Enda Europe est une association qui a pour but de soutenir l’engagement d’enda Tiers-Monde dans la lutte contre la pauvreté et la promotion du développement durable.

Un des premiers travail (80′s, 90′s) des organisations féministes ou des féministes dans des organisations de développement a été de rendre visible les femmes dans les différentes politiques publiques pour lutter contre leur « invisibilisation ». Puis (années 2000, 2010) d’intégrer les questions d’égalité dans toutes les problématiques. L’accent a alors été mis sur le genre, c’est à dire sur les relations/rapports entre femmes et hommes et croisant cette question avec les questions sociales, économiques et environnementales générales.

Mais ce faisant quand on introduit un « volet genre » au niveau macro, la problématique peu se diluer, il manque alors des outils et analyses plus fines.

L’égalité, dans le sens de donner aux femmes le droit de faire les mêmes choses que les hommes ne suffit pas d’ailleurs à penser un développement différent : il faut changer le modèle dominant lui-même, le paradigme de l’homme comme référent. Ainsi doit-on changer les relations hommes/femmes, tout comme les relations Nord/Sud qui remettent en cause le modèle du nord.

La politique française sur le genre s’est renouvelée dans les années 2000 à partir du constat du retard de la France: peu de recherche, des associations spécialisées petites, un réseau faible, des ONG de développement et des structures publiques peu formées. Un Document d’Orientation Stratégique a été approuvé en 2007, suivi d’un programme de formation des ONG et de deux programmes concertés sur l’économie et sur les violences financés par le MAE, ainsi que des contributions à ONU Femmes. Mais le nombre de projets spécifiques reste encore très faible (<10) selon les indicateurs de l’OCDE.

La politique de genre doit traverser les politiques sectorielles des grandes agences comme l’AFD, Agence Française de Développement. Il y a eu des avancées, comme la consolidation des réseaux, mais un grand risque de « genderwashing » si les clauses obligatoires d’intégration du genre dans tous les projets ne sont pas accompagnées de moyens réelles et de projets structurels.

Échanges avec la salle

Question de Françoise Kiéfé, membre commission féminisme, suivi de Rio+20 sur genre et développement.

Inquiétude des associations féministes car recul net à Rio+20 sur les droits reproductifs.

Vocabulaire : développement durable, soutenable ? Qu’est-ce que la recherche action ?

Réponses

Le vocabulaire est une adaptation à la (mauvaise) traduction française. Il est plus correct de parler de développement soutenable, pour avancer vers un modèle qui préserve les ressources naturelles et humaines.

La recherche action est la valorisation des personnes et des savoirs au côté des gens avec des méthodes participatives, car on ne peut pas arriver en plaquant des solutions toutes faites. L’introduction de la perspective de genre se fait en formant les personnes à observer avec d’autres lunettes, car la réalité est différente du discours dominant. C’est ainsi qu’on peut élaborer des solutions en permettant aux personnes, femmes et hommes d’élaborer des solutions.

Claudy Vouhé

Genre en action promeut les politique de genre.

Claudy Vouhé propose un focus sur le changement climatique.

Le problème du changement climatique est global, mais ses causes et ses conséquences ne sont pas uniformes d’un contexte à l’autre. Poser la question du lien entre le changement climatique et le genre revient à questionner à la fois les besoins et intérêts des femmes et leur capacité à intervenir dans les mesures d’atténuation et d’adaptation.

En effet, tout le monde contribue au réchauffement climatique, mais pas avec la même intensité. S’il semble avérer que les femmes polluent moins que les hommes, il ne faut pas pour autant en déduire qu’elles sont naturellement plus conscientes que les hommes sur le terrain environnemental. La marginalisation sociale, culturelle, économique et politique des femmes, par défaut, fait qu’elles émettent moins de gaz à effet de serre (GES). Si les femmes en avaient les moyens, elles pollueraient peut-être autant que les hommes ? La même question se pose avec le développement des pays du Sud : si le Sud se développe sur le modèle du Nord (patriarcal), le développement peut-il être durable ?

Ces hypothèses « égaux (dans la consommation) = non durable » ne peuvent justifier la négligence dont pâtissent les femmes dans les politiques de développement en lien avec les questions environnementales, mais aussi sociales, économiques etc. En effet, il est avéré que les femmes (les plus pauvres surtout) ont au quotidien des besoins souvent vitaux de eau, de bois, de charbon, de terre. Elles sont affectées directement en cas de raréfaction des ressources. Comme elles sont moins mobiles que les hommes (notamment parce qu’elles ont la charge des enfants) et qu’elles ont moins de sécurité (foncière, physique, sociale etc.) elles sont les premières victimes lors des catastrophes naturelles et sont victimes de lourdes violences sexuelles.

Les mesures d’atténuation des GES doivent prendre en compte l’impact sur les femmes et les relations de genre des politiques, programmes et projets (trajet école, cuisine, etc.). Elles doivent aussi, impérativement, impliquer les femmes au même titre que les hommes dans la recherche de solutions au problème concerné.

Quelle action dans les partis politiques, y compris EELV ?

Échanges avec la salle

Question

Il y a un gros chemin à faire en France pour la prise en compte du système de genre (cf. la réaction quand tentative d’introduire le genre dans les manuels scolaires). Qu’en est-il dans les pays du Sud ?

Réponse

Comme toujours, l’argument culturel, la tradition est érigée en garde-fou. Le genre viendrait chambouler les « traditions ». Or, les changements économiques et environnementaux, de même que les conflits bousculent les représentations traditionnelles beaucoup plus que toutes les initiatives et lois sur le genre. Il ne faut pas être dupe avec le discours du « respect de la culture du pays » qui est une forme de résistances. Toutes les cultures méritent d’être respectées, mais les droits universels, dont ceux des femmes, ne sont pas solubles dans l’argument culturel.

Question

Quand le culturel s’appuie sur le religion, le barrage est d’autant plus important ?

Réponse

Cela peut aller dans les deux sens, et aider au changement. Il y a de nombreuses ouvertures pour l’égalité femmes-hommes dans les religions, des féministes de tous les bords religieux creusent la question. Il faut dépasser les « ismes » primaires et se renseigner sur ces mouvements qui cherchent à provoquer le changement de l’intérieur.

Question

L’augmentation de la population a-t-elle des conséquences sur les changements climatiques ?

Réponse

 

Il est certain que la pression démographique, dans certains contextes, pose problème. Mais ce n’est pas fondamental à mon sens. Ne réveillons pas le fantasme de Malthus ! L’épicentre du problème est le partage des richesses mais aussi des pouvoirs, notamment entre les femmes et les hommes. Réduire le nombre d’enfants par femme peut aider le développement économique des femmes, si elles le décident et qu’elles en ont les moyens. Et cela ne résoudra pas forcément la vision binaire (femme=reproduction et homme=production) sur laquelle notre économie productiviste est fondée. Il faut innover, provoquer, proposer de regarder les choses autrement … Faisons observer aux démographes que dans certains pays les femmes ont diminué leur fécondité mais pas les hommes polygames, donc l’indicateur pertinent devient le nombre d’enfants par homme, et non par femme, et déjà d’autres solutions se profilent ! C’est la même chose avec le changement climatique. Selon la manière dont on va définir les enjeux, les questions de genre apparaîtront différemment, en tant que causes, conséquences, mais aussi solutions.

 

Les présentations des intervenantes :

Genre et changements climatiques (Claudy Vouhé)

Genre et coopération (Marie-Dominique de Suremain)

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