Audition de Maya Surduts et Carine Favier – Avortement et contraception : où en sommes-nous ?
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par Sarah Trichet-Allaire responsable de la commission féminisme, le 1er avril 2011

Carine Favier : Présidente du Planning familial (MFPF) ; habite et travaille à Montpellier ; communique par skype et mail avec le bureau national.

Aujourd’hui le planning regroupe 70 associations départementales, dont 60 actives, de taille très diverses et dont les équipes varient de 10 bénévoles à 40 salarié-es. Les plus actives peuvent se décliner sur leur territoire en groupes locaux. c’est le cas en Isère.

Le planning est structuré en confédération. Chaque association est autonome. Les associations départementales ayant au moins 25 membres ont une voix au conseil d’administration( C.A.) national. Y sont présentes 45 à 50 associations. Il y a 5 CA par an. Le Bureau se réunit toutes les 3 semaines.

Dans chaque DOM il existe une association et une est en cours de constitution à Mayotte. Dans ces territoires les conditions d’accession à la contraception et à l’avortement sont particulièrement difficiles.

Le planning a plusieurs commissions : violences, avortement, sida, contraception, développement du mouvement et finances. A cela s’ajoutent des groupes de travail qui se créent en lien avec l’actualité comme celui sur la bio-éthique.

C’est une structure qui marche sur 2 jambes c’est à dire qu’elle remplit à la fois des fonctions d’accueil et de formation et des missions sur le terrain pour des mobilisations politiques.

Cette année leur université d’été, en Seine St Denis, portera sur le militantisme : comment être observatoire et porter la parole qu’on entend ?

Le planning et s’inspire des méthodes de Médecins du Monde. Il travaille en partenariat avec la CADAC (Coordination des Associations pour le Droit à l’Avortement et à la Contraception) et l’ANCIC (association nationale des centres d’interruption de grossesse et de contraception).

Maya Surduts : à l’origine de la fondation de la CADAC en 1990 en riposte aux actions commando anti – IVG, reprenant l’initiative d’une association qui s’était créée pour les 40 ans du deuxième sexe Elles sont pour. Aujourd’hui le contexte est légèrement différent, les associations anti IVG de l ‘époque (SOS tout petits et La trève de Dieu) sont moins actives mais continuent à être présentes sur Internet et dans les hôpitaux (dont à Nantes).

La loi de 20011 est une véritable avancée dans les textes mais elle est très peu mise en application.

Maya Surduts pense que le droit des femmes à maîtriser leur corps est encore à gagner.

Carine Favier : Le Professeur Nisand (professeur de médecine à Strasbourg, ex conseiller de Ségolène Royal) avec Bérangère Poletti (députée UMP) établissent un rapport prônant l’accès gratuit à la contraception pour les mineures, le développement de point info-ado avec médicalisation importante, le remboursement pour toutes les femmes. Le 25 avril de cette année il devrait être mis en œuvre. Cependant l’aspect financier ne semble pas avoir été prévu pour la mise en pratique, qui doit payer ? l’état ou le conseil général ?

C. Favier rappelle les conclusions de l’enquête de l’IGAS qui soulignent à la fois l’augmentation dit « catastrophique » par le professeur Nisand du nombre d’avortements chez les femmes de moins de 25 ans mais aussi la diminution des grossesses non désirées des mineures. Pour C.Favier c’est plutôt un bon signe : meilleure prise en charge de leur procréation par les jeunes filles.
Elle rappelle également la politique du Planning : gratuité pour les mineures et remboursement de l’avortement pour toutes les autres.

S. Trichet-Allaire : Il y a eu problémes de subventions en 2009 – à cette occasion s’est créé « Osez le Féminisme ! » – et demande comment développer les actions. Ne doit-on pas à la fois aider les associations à se développer et travailler avec les réseaux de l’ESS ?

Carine Favier précise la position du planning : face aux inégalités constatées,et pour une réponse adaptée aux territoires, le planning demande le soutien à la mise en place de réseaux pour mailler le territoire entre centre de planning, associations, médecins, sages-femmes tous partenaires, et démédicaliser car ces partenaires peuvent délivrer gratuitement la première pilule.

M.Surduts rappelle que le MLAC de Colombes a ré-introduit.un certain rapport à la médecine.

Elle s’interroge sur l’action de M.Nisand : un certain nombre se demande s’il n’a pas des accointances avec des laboratoires pharmaceutiques pour pratiquer et préconiser l’avortement médicamenteux aussi tard (14 semaines) sans se soucier des douleurs endurées alors par les femmes et sans prendre en compte le risque d’échecs non négligeable.

L’action conjuguée du MFPF, CADAC, et ANCIC ont conduit à la loi de 2001.

Carine Favier : Il faut maintenir les structures de chirurgie pour l’IVG. car il y a risque que le secteur hospitalier ne pratique que l’Ivg médicamenteuse, celle-ci étant plus rentable, plus économique et règlant le « problème » de la clause de conscience !

Une évaluation sur le vécu des femmes est nécessaire entre IVG chirurgicale et médicamenteuse.

Ce qu’il faut obtenir c’est que les femmes aient le choix entre l’IVG médicamenteuse et chirurgicale avec choix d’anesthésie locale ou générale.

Pour maintenir l’avortement chirurgical il faut revaloriser la tarification de l’avortement car les hôpitaux ne veulent plus le pratiquer car trop coûteux pour l’hôpital.
Pourtant, en novembre 2010, Mme Bachelot avait accepté une augmentation du tarif de 50% mais cela semble ne pas être appliqué et de moins en moins de médecins choisissent de le pratiquer car cela ne procure ni honneur, ni argent, ni possibilité de publications.

M.Surduts fait valoir que la contraception n’est pas seulement un problème de femmes et le sujet de la contraception masculine est abordée. Il n’est pas certain que les femmes aient confiance dans le contraception masculine.

C.Favier rappelle alors que la victoire de la contraception était liée à une bataille des féministes et que les hommes qui parfois se plaignent de se retrouver père sans l’avoir demandé devraient livrer bataille pour obtenir une contraception masculine fiable. Sur ce combat ils seraient très certainement rejoints par les femmes.

Cette question : pourquoi la fécondité ne repose que sur les femmes et pas sur les hommes est fondatrice d’une société où on veut changer les relations femmes/hommes.

L’histoire des femmes montre que si on avance sur une problématique, cela fait bouger sur les autres.

Pour C.Favier, ce qui a été primordial pour les femmes, ce fut l’entrée sur le monde économique.

Se pose la question de la part du du rôle du service public et celui des associations.

C. Favier explique que la limite de l’allongement des délais d’IVG est la viabilité de l’embryon et donne les critères de l’OMS : 22 semaines et 500g.
Le rôle du service public, en fait l’hôpital, est indispensable pour l’accès à toutes (en Ile de France 5000 avortements annuels, 3000 en PACA, 2000 en Languedoc Roussillon) sinon il y a inégalité sociale notamment pour les jeunes.

Dans le secteur privé on note souvent le refus de pratiquer une IVG sur des femmes qui ont dépassé les 10 semaines et souvent le refus de l’adulte référent pour les mineures.

Mais pour éviter de rebasculer tous les cas sur les associations et les centres de planning municipaux il faut améliorer l’accueil (le CIVG est souvent mélangé au service obstétrique et accouchement), la prise en charge et le suivi (ordonnance de contraception après l’IVG) dans les hôpitaux .

Le rôle des associations est complémentaire au service public, par exemple 50% des structures publiques ne donnent pas de contraception après l’IVG!

Dans la loi de 2001 tous les hôpitaux devaient accueillir un CIVG mais depuis ils sont remplacés par des unités fonctionnelles auxquelles est demandée la même rentabilité qu’à d’autres services c’est ce qu’on appelle la normalisation. La situation actuelle est très compliquée, manque de personnel, pas de formation pour y remédier.

Les thèses du MLAC prônaient la démédicalisation de l’acte.

A la suite d’une enquête de l’IGAS il y aurait en préparation des centres de santé sexuelle. Les centres de santé pour les femmes existent aux USA mais leur transposition en France semble poser problème puisque rien n’existe entre le secteur marchand et le service public.

Le Planning propose la création d’espace sexualité pour différents publics et où les questions de genre pourraient être abordées.

Le MFPF note la remise en cause de ses interventions dans l’Éducation Nationale ( dans collèges et lycées) par l’intermédiaire des Rectorats. Mais quand les interventions ont lieu, c’est très positif. La méthode adoptée est de travailler avec la classe divisée en groupes non mixtes puis de faire ensuite une séquence avec tout le monde.

Que faire avec la clause de conscience ?

Cette clause de conscience est un prétexte pour les praticien/nes de ne pas faire d’IVG.
Une directive de l’Europe recommande de passer à la clause de conscience à l’ensemble de l’établissement.
Mais là où c’est plus lucratif, on trouve des médecins pour faire des IVG, par exemple dans des cliniques en Italie!
C.Favier pense qu’une solution serait de demander au moment où les étudiant/es choisissent leur formation que les candidat/es à la formation d’obstétrique s’engagent aussi à pratiquer des IVG.

Pour terminer elle rappelle que selon l’OMS les 2 causes principales de mortalité des femmes dans le monde sont:

  • Le SIDA
  • Les avortements clandestins et les accouchements

Quelle mesure phare, s’il n’y en avait qu’une, faudrait-il avancer dans un programme de gouvernement avec la gauche ?

On pose la pertinence d’un Ministère des Droits des femmes.

(M.Surduts étant partie), Carine Favier suggère aux partis de demander :

  • Une enquête sur le vécu des femmes avortées
  • Une enquête sur le taux des échecs dans les IVG médicamenteuses
  • L’application de la loi de 2001

1La loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001, relative à l’IVG et à la contraception : le délai de recours à l’IVG est allongé : il est porté à 12 semaines de grossesse. La loi prévoit la possibilité de pratiquer des IVG en médecine de ville ; les mineures peuvent avoir accès à l’IVG sans autorisation parentale. Dans ces situations, la mineure choisit un adulte majeur pour l’accompagner dans ses démarches. Les conditions de recours aux consultations psycho-sociales sont modifiées : une consultation psycho-sociale préalable est proposée à toutes les femmes. Toutefois, le caractère obligatoire de cette consultation est supprimé pour les femmes majeures, mais maintenu pour les mineures.

Compte-rendu réalisé par Corine Faugeron et Marie-Élisabeth Allaire